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Souvent encore, c’est le garçon de bureau d’un commissaire de police qui, tenant entre ses bras un paquet de chiffons où s’agite un petit être chétif, vient faire les déclarations requises ; dans ce cas-là, presque toujours, c’est un enfant réellement trouvé qu’il apporte ainsi. En 1869 ; on en a reçu quatre-vingts, qui tous avaient été exposés dans des lieux publics : églises, rues, jardins, passages ; l’un d’eux avait été intentionnellement oublié dans une voiture de place.

Tous les jours, la préfecture de police et les hôpitaux envoient à l’hospice de la rue d’Enfer les enfants dont les parents sont « empêchés », parce qu’ils ont été écroués en prison ou sont entrés à l’hôpital. J’ai vu arriver « le dépôt » de l’Hôtel-Dieu, c’est-à-dire sept ou huit bambins de tout âge, vêtus, les uns de guenilles, les autres de ces costumes prétentieux, décolletés, d’un mauvais goût excessif et qui semblent faits pour des singes savants. Pendant qu’on libellait les écritures nécessaires, j’ai pu constater l’effroyable précocité de certaines natures ; on n’eut que le temps de ramasser dans un coin et de séparer un petit garçon et une petite fille qui n’avaient point douze ans à eux deux. Du reste, indifférence absolue sur ces jeunes visages, à peine un sentiment de curiosité excité par la vue d’un endroit nouveau.

Ces enfants sont gardés à l’hospice jusqu’à ce que les parents aient fini leur temps ou soient guéris. Fréquemment cette hospitalité transitoire est rendue définitive ; lorsque les parents meurent et que nulle âme charitable ne consent à se charger de l’orphelin, on

    montrent d’autre issue à leur faute qu’une faute plus grave (l’abandon) dont elles se font l’instrument avide, à prix d’argent, ou, s’il le faut, en exigeant de la malheureuse les derniers haillons qui la couvrent. » (Enquête générale ouverte en 1860 dans les quatre-vingt-six départements de l’empire sur les enfants assistés, p. 22, 33.)