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Pour un tel asile ouvert à l’épidémie, je conseillerais le voisinage de la Seine et des plantations nombreuses qui incessamment purifieraient l’air. De plus, il faudrait dans ce cas imiter les Américains, auxquels le développement de l’initiative individuelle a donné une expérience qu’il est toujours bon de consulter, car elle est supérieure à la nôtre, dédaigne avec raison les dépenses de luxe et ne tient compte que des exigences pratiques. Dans le Nouveau Monde, on bâtit les hôpitaux en bois, ce qui permet d’en améliorer la forme et la distribution toutes les fois que celles-ci sont reconnues défectueuses. Au bout de cinq ans, on y met le feu ; la perte est loin de représenter l’intérêt des sommes énormes absorbées par l’érection des monuments en pierre de taille. Ce système offre un avantage notable, qu’un Américain me faisait apprécier d’une façon brutale en me disant : « Nous brûlons du même coup la contagion et les punaises ! »

Ce sont là des travaux d’utilité première, auxquels il faut ajouter la construction de pavillons isolés pour les femmes en couches à la Maternité, et bien des réfections de vieux corps de logis dans les anciens hôpitaux ; on ne peut les entreprendre cependant, quoique les projets en soient préparés, car on se trouve en présence d’une dépense prévue de 30 millions, qui s’élèvera certainement à 40 et plus. Cela est désespérant.

On dirait que les mots et l’argent n’ont plus la même valeur qu’autrefois : avec 42 000 francs Louis XVI faisait bâtir Necker, avec 40 millions nous ne verrons pas la fin de l’Hôtel-Dieu. L’impression et l’image restent cependant les mêmes ; nous sommes effrayés au seul énoncé d’une telle somme, sans réfléchir que la découverte des mines de la Californie et de l’Australie, que les six milliards frappés en France dans l’espace de dix-huit ans, ont infligé aux espèces métalliques une