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petits lits en fer surmontés d’une croix : l’aspect de cette dernière salle, qui ressemble à un dortoir, est à la fois très-triste et très-doux. Après vingt-quatre heures de repos, le corps est mis en bière et déposé dans la chambre des morts, qui n’est en général qu’un cabinet étroit et sans caractère. À l’Hôtel-Dieu, c’est une sorte de caveau peint en noir, tendu de larges draperies noires, éclairé de deux becs de gaz contenus dans des globes on verre dépoli, et muni de deux lits de camp qui supportent les bières de léger sapin au-dessus desquelles un grand crucifix semble veiller. C’est d’une apparence lugubre et réellement dramatique. Dans le dur langage des garçons d’amphithéâtre, un cadavre disséqué et non réclamé s’appelle une falourde.

Les parents, les amis conviés arrivent ; le corps, chargé sur le corbillard, est conduit à la chapelle de l’hôpital, et un prêtre récite les prières consacrées. Ces chapelles n’ont rien qui puisse fixer l’attention ; ce sont des espèces de halles badigeonnées, sans style, sans beauté, ornées de fort mauvais tableaux, et où parfois, comme à Necker, on est surpris de voir la statue d’Aaron et celle de Melchisédech. Une seule fait exception, c’est celle de l’Hôtel-Dieu, qui est l’ancienne église, qualifiée jadis de basilique, du prieuré de Saint-Julien le Pauvre. Dans l’origine, on y recevait les pèlerins et les voyageurs ; Grégoire de Tours y logeait lorsqu’il venait à Paris[1]. On ignore la date de sa fondation ; elle fut détruite sans doute et réédifiée vers le douzième siècle, car certains détails d’architecture, entre autres les arcs-doubleaux composés d’un faisceau de tores séparés par des gorges, indiquent cette époque. Aujourd’hui c’est une ruine sombre, dominée par les hideuses masures de la rue qui porte son nom ; la Ré-

  1. « In diebus, Parisios adveneram et ad basilicam beati Juliani martyris metam habebam. » (Lib. IX, cap. iv.)