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bre dont les portes sont fortement rembourrées et capitonnées pour empêcher les cris de douleur d’être entendus. Avec précaution on étend le patient sur le sinistre matelas recouvert d’une toile cirée noire sur laquelle un drap est placé. Les instruments préparés sur un plateau portatif que l’élève peut tenir à la disposition du maître sont, selon le degré d’humanité du chef de service, visibles ou recouverts d’un linge blanc ; les compresses, la charpie, les bandes, sont disposées d’avance sur une tablette.

Autrefois, il y avait là un instant terrible : c’était celui qui précédait immédiatement l’opération ; bien des cœurs vaillants faiblissaient, et j’ai vu plus d’un pauvre homme à qui on allait enlever un membre se mettre à pleurer en disant : « Qu’est-ce que je vais devenir ? » Le chirurgien, la manchette retroussée, lui tendait la main : « Allons, mon brave, du courage ! ce ne sera pas long ! » On jetait une serviette sur le visage du misérable afin qu’il ne pût rien voir ; les élèves le saisissaient et le maintenaient avec force pour neutraliser les mouvements spasmodiques, et l’opération commençait. Aujourd’hui cela est moins dramatique, j’allais presque dire moins intéressant. Les procédés anesthésiques ne sont plus repoussés par personne ; l’éther, puis le chloroforme, enfin le chloral, ont apporté pour cette minute de torture une stupéfaction, une sorte d’inconscience mentale qui donne une insensibilité relative, dont on profite pour opérer en toute sécurité et pour enlever au patient la connaissance immédiate de sa douleur. Dans cette voie il y a encore d’immenses découvertes à faire, et l’on peut légitimement espérer qu’avant peu d’années on arrivera à localiser l’anesthésie, au lieu de la généraliser comme on le fait actuellement.

C’est pendant la visite ou immédiatement après, suivant la gravité des cas, que les pansements sont faits, soit