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mendiant de Gil Blas, réclamaient l’aumône, le chapeau à la main et l’épée au côté. Telle compagnie parcourant la ville n’était point rassurante ; on ne parait pas cependant s’en être trop effrayé, on s’en amusait même en haut lieu, et Louis XIV ne dédaigna point de danser, en 1653, le ballet de la Nuit, dont l’entrée était la représentation de ces fraudes misérables.

Tous les lieux que les mendiants ont occupés à Paris, et dont successivement, mais non sans peine, on est parvenu à les expulser, se sont appelés la cour des Miracles ; le miracle était que, rentrés à la bauge, ces estropiés et ces mourants étaient subitement remis en santé. Le dernier emplacement où ils se sont vautrés dans la vermine et la promiscuité est encore reconnaissable, et sans peine on réussit à le reconstruire ; il a du reste conservé le vieux nom traditionnel. Sur le plan de Gomboust, on en voit très-exactement la configuration. Ce refuge à truands s’appuyait contre les murailles qui fermaient le jardin du couvent des Filles-Dieu[1], sur lequel, en 1799, on a construit les hideux passages du Caire ; il avait la forme d’un couperet de boucher, dont la cour eût été la lame et la rue Neuve-Saint-Sauveur le manche ; deux petits groupes de maisons parallèles semblent en masquer l’entrée ; dans l’espace laissé vide grouillait pêle-mêle, sous des abris de hasard pendant l’hiver, à la belle étoile pendant l’été, cette population qui mettait au désespoir tous les sergents de la prévôté de Paris.

On nettoya ce cloaque sous Louis XIV, et ce ne fut

  1. Le couvent des Filles-Dieu était en possession d’offrir le pain et le vin aux condamnés à mort qu’on menait au gibet de Montfaucon. — « Le lundy en suivant, qui estoit le douzième jour du dict mois d’aoust (1527), luy (Beaulne de Semblançay) fut baillé pain et vin devant l’église des Filles-Dieu par le dict couvent, comme on a coustume faire aux pauvres criminelz. » (Journal d’un bourgeois de Paris sous François Premier, p. 307.)