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enquêtes de la cour du parlement, chantre de l’église et proviseur de l’Hôtel-Dieu de Paris. Une des très-curieuses miniatures emblématiques de ce précieux volume représente une salle d’hôpital. Sur le sol carrelé de pierres blanches et noires, quatre lits sont posés, si rapprochés les uns des autres qu’ils se touchent, et qu’on ne pourrait passer entre eux ; les malades qui reposent sont nus, et il y en à deux dans chaque lit. Le peintre a fardé la vérité, qui était bien autrement lamentable ; à ce sujet, il ne peut y avoir de doute, car tous les historiens qui ont parlé de l’Hôtel-Dieu sont unanimes pour dire qu’on mettait quatre, cinq et parfois six personnes dans la même couchette. Cet état de choses, qui aujourd’hui nous soulèverait le cœur, ne semble pas avoir trop révolté ceux qui en furent témoins. Au dix-septième siècle, Sauval, à qui l’on ne peut nier un esprit généreux, se contente de dire : « On voudrait bien que les malades ne fussent pas tant ensemble dans un même lit, à cause de l’incommodité, n’y ayant rien de si importun que de se voir couché avec une personne à l’agonie et qui se meurt. » À ce moment (1650), l’Hôtel-Dieu contenait 2 800 malades. On peut se figurer ce qu’étaient les salles qui servaient à toutes sortes d’usages, même à faire sécher le linge sortant de la lessive ; une ordonnance de 1755 mit fin à un pareil abus.

Il fallut le grand mouvement philosophique du xviiie siècle pour qu’on se préoccupât sérieusement des malades admis dans les hôpitaux, et pour qu’on essayât de remédier aux maux sans nombre qui les accablaient. On profita de l’incendie qui, en 1772, détruisit une grande partie de l’Hôtel-Dieu et dura pendant onze jours, pour demander la reconstruction de l’hôpital central. On voulut avec raison l’éloigner du cœur même de la Cité. Poyet, un architecte fort intelligent, proposa de le rebâtir sur l’île des Cygnes, alors séparée du Gros-