major de l’armée de la fainéantise ; cette malsaine aristocratie était très-fière des fonctions qu’elle s’était attribuées, et elle se nommait volontiers les gens de la petite flambe ou de la courte épée.
La troupe était plus humble, mais elle ne manquait point d’imagination lorsqu’il s’agissait de faire sortir des escarcelles les deniers qu’elle convoitait. Les orphelins et les polissons, réunis en groupes de trois ou quatre, s’en allaient par les rues, grelottants, demi-nus, pleurant et demandant du pain ; les rifodés, accompagnés de femmes et d’enfants qui étaient à eux ou à d’autres, montraient des certificats attestant que leurs biens avaient été détruits par la foudre. Les marcandiers étaient des marchands que l’incendie avait réduits à la misère ; les piètres excellaient à se ficeler les jambes contre la cuisse et à traîner entre deux béquilles leurs membres écloppés ; les malingreux, jaunes et amaigris, étalaient leurs plaies factices ; les francs-mitoux, à l’aide de ligatures, contrariaient si bien le jeu de leurs veines, qu’ils en tombaient en syncope ; les sabouleux se roulaient par terre avec sauts de carpe et contorsions, écumaient, grâce à un morceau de savon placé dans la bouche, et feignaient d’être épileptiques, exactement comme les batteurs de dig-dig que les agents de police ramassent encore sur nos trottoirs.
Quelques-uns se donnaient comme une sorte de miracle vivant, comme une preuve de l’excellence du culte des saints : les callots, qui prétendaient avoir été subitement délivrés de la teigne par un pèlerinage à sainte Reine ; les hubains, que l’intercession de saint Hubert avait guéris de la rage ; les coquillarts, qui vendaient des coquilles bénites aux autels de saint Jacques et de saint Michel. D’autres avaient des habitudes spéciales : les courtaux de boutange ne quémandaient que pendant l’hiver, et les drilles ou narquois, assez semblables au