Page:Du Camp - Paris, tome 4.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bureaux de bienfaisance, on leur remettait une somme de trente-cinq francs qui était destinée à solder les premières avances faites à la nourrice. On a été obligé de renoncer à ce système. Les amants de ces malheureuses les attendaient, devant l’hôtel même de l’Assistance publique, sur le trottoir, prenaient l’argent qu’elles leur remettaient sans même essayer de faire une observation, tant cet acte monstrueux leur semblait naturel, et s’en allaient dans les estaminets interlopes, où ils restaient jusqu’à ce que le dernier sou fût dépensé. Dans tout crime commis par un homme, il faut chercher la femme, dit-on ; soit, mais dans toute action coupable commise par une femme il faut chercher l’homme : les deux sexes n’ont rien à s’envier.

L’Assistance, voyant que les secours qu’elle accordait conduisaient à un but opposé à celui que son devoir lui imposait d’atteindre, a remplacé l’allocation en espèces par un simple bon qui, pour certains bureaux de nourrices désignés, équivaut à de l’argent comptant. La première fois que ces mandats furent distribués, on fut assailli de réclamations qu’on n’écouta pas, et la majeure partie des bons furent jetés, dispersés dans la rue comme des paperasses inutiles. En présence de tels faits, si fréquemment renouvelés, on se rappelle involontairement le mot de l’auteur de Paul et Virginie : « Ah ! que le bien est difficile à faire ! »

Pendant le cours de l’année 1869, l’Assistance publique a reçu 61 080 demandes de secours extraordinaires, qui toutes ont été l’objet d’une enquête au dossier et au domicile des solliciteurs ; 17 855 ont été écartées, soit parce qu’elles émanaient d’individus notoirement signalés pour mener une existence immorale, soit parce qu’elles suivaient à un intervalle trop rapproché une subvention déjà accordée : 43 225 personnes ont donc participé à la distribution des fonds