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excessive, car il a été condamné pour vol, ce qui ne l’empêche pas d’écrire au directeur de l’Assistance publique : « Pourquoi me faites-vous attendre ? me croyez-vous donc né pour demander l’aumône ? »

Toutes les fois qu’on n’accède pas à ses demandes, qui sont fréquentes, il écrit une lettre de dénonciation contre le visiteur de son quartier : « C’est un homme grossier, méchant, qui se moque des pauvres et cherche à leur arracher le pain de la bouche. » Il aime les citations, il en fait à chaque phrase dans ses lettres ; parmi une vingtaine je recueille celle-ci, qu’il adresse au préfet de la Seine, parce que l’Assistance a refusé de lui venir en aide : « Les mauvais fonctionnaires excitent au mécontentement général et causent la perte des gouvernements, a dit M. Guizot, ancien ministre ; » puis il ajoute : « Justice, ou les journaux en retentiront. » L’Assistance publique ne s’émeut guère de cette phraséologie et de telles menaces ; elle est impassible et dédaigne les injures. Dans un rapport qui suivit les derniers faits que je viens de signaler, je lis : « X. a le caractère altier, il est aigri et en veut à la société ; malgré ses torts, un secours pourra le ramener à de meilleurs sentiments. » Est-il réellement indigent ? faut-il, comme il le dit lui-même, qu’on n’ait ni cœur ni âme pour le repousser ? Il est accablé par des charges très-lourdes, mais il fait le métier d’écrivain public et gagne en moyenne sept ou huit francs par jour ; il abuse même de sa belle écriture pour envoyer des lettres anonymes et insultantes aux employés de l’administration, mais on n’en tient compte, l’on a pitié de lui, et l’on a raison.

Il n’est pas le seul de son espèce, et la plupart de ceux qui se sont fait une habitude de s’adresser à l’Assistance publique n’ont d’autre argumentation que celle-ci : Je demande, donc on doit me donner. À cer-