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ils souffrent. Un à un, on les fait entrer ; ils montrent leur carte d’indigent pour prouver qu’ils ont droit aux médicaments gratuits ; lorsqu’ils ne sont pas inscrits au contrôle du bureau, on ne leur doit strictement que la consultation, mais qui s’arrêterait à une vaine formalité[1] ?

Les cas pathologiques curieux sont fort rares ; ce qu’on rencontre le plus fréquemment, c’est la blessure accidentelle, le rhumatisme et l’anémie ; presque tous ces malades illettrés qui, confondant l’estomac, le cœur et la poitrine, se plaignent volontiers d’éprouver quelque chose quelque part, ont un mot qui peint assez nettement leur état ; ils disent : « J’ai une langueur qui me tient partout. » À beaucoup d’entre eux on ordonne des bains qu’ils vont prendre dans certains établissements voisins de la maison de secours et qui se font rembourser le prix au bureau de bienfaisance ; le plus souvent on leur prescrit un traitement simple, facile à suivre et qui n’est pas moins salutaire que les potions les plus compliquées. On voit là de vieux routiers qui connaissent par expérience les habitudes médicales et qui arrivent en se plaignant d’une faiblesse générale, de difficulté de digestion et qui, d’un air très-humble, déclarent qu’ils n’ont pas plus de force qu’un poulet. Si le médecin, qui connaît bien sa clientèle et est au fait de ses ruses familières, fait la sourde oreille, le malade dit d’un air capable et convaincu : « Je crois que du vin de quinquina me ferait du bien. » Dans ce cas-là, on a affaire à un ivrogne qui n’a plus de quoi boire. Cette drogue amère, dure aux lèvres, rêche au

  1. Les ordonnances délivrées par les médecins du bureau de bienfaisance sont de trois couleurs différentes : blanches pour les malades traités à domicile, jaunes pour les indigents inscrits au contrôle, roses pour ceux qui ne sont pas inscrits ; dans ce dernier cas, il faut, pour avoir des médicaments gratuits, obtenir le visa, toujours accordé, du secrétaire-trésorier du bureau de l’arrondissement.