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cas de légitime défense, dans les pays où nulle mesure collective n’est prise pour porter secours à la misère ; mais dans ceux qui, comme le nôtre, gardent au budget une large part pour les malheureux, qui ont, en dehors d’un système hospitalier complet, des instituts de bienfaisance, des maisons de refuge, des fonds de charité sans cesse renouvelés, qui ont frappé avec raison certains plaisirs d’une taxe spéciale qu’on appelle le droit des pauvres, qui, pour veiller sur les déshérités de la fortune et de la force, ont organisé des administrations habiles et prévoyantes à l’aide desquelles on peut, dans des conjonctures heureusement exceptionnelles, prendre l’homme avant sa naissance même, lui mettre un instrument de travail entre les mains, le conduire, tout le long de la vie, jusqu’à son heure dernière ; dans les pays qui ont inscrit l’assistance dans leurs lois, la mendicité est attentatoire à la liberté générale et elle doit être interdite.

C’est ainsi du moins que le comprend la législation française, et le code pénal l’explique à l’article 274 : « Toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il existera un établissement public afin d’obvier à la mendicité sera punie de trois à six mois d’emprisonnement, et sera, après l’expiration de sa peine, conduite au dépôt de mendicité. » À première vue, il peut paraître cruel d’empêcher l’homme dénué qui souffre et qui a faim d’étaler sa misère en plein jour et de dire aux heureux qui passent : « Ayez pitié de moi ! » Mais si l’on a le courage de prendre cette maladie sociale corps à corps, on arrivera vite à cette conviction que, sauf certains cas extraordinairement rares, la mendicité est, pour ceux qui la pratiquent, un métier comme un autre, avec des chances bonnes et mauvaises, avec des chômages, des mortes-saisons ; c’est une industrie aléatoire qui presque toujours assure la