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C’est un cachot plus ou moins grand, garni de bancs de bois scellés dans la muraille, éclairé par une lucarne placée très-haut, de manière qu’on ne puisse se pendre aux barreaux de fer qui la protègent, et muni d’un immonde baquet destiné à toutes sortes d’usages. Ces geôles sont infectes ; de plus elles sont tellement glaciales qu’il est cruel d’y laisser séjourner quelqu’un pendant les nuits d’hiver. Les terrains coûtent cher à Paris ; il est donc bien difficile de donner aux postes de police l’ampleur qui leur serait nécessaire pour être convenables ; néanmoins, et fût-ce au prix d’un sacrifice, il y a lieu de modifier les violons, de supprimer le vase sans nom qui en empeste l’atmosphère et d’y ouvrir une bouche de chaleur qui leur ferait une température supportable. Les êtres qu’on y renferme, malandrins, filous, filles publiques et voleurs, ne sont point fort intéressants, on peut en convenir ; mais si ce n’est par commisération pour des créatures qui, après tout, sont des hommes, que ce soit du moins au nom de la civilisation dont nous sommes les représentants et dont tous nos actes, envers qui que ce soit qu’ils se manifestent, doivent porter l’empreinte. Aussi qu’arrive-t-il ? Les sergents de ville, à moins qu’ils ne soient en présence d’énergumènes exaspérés, font venir les prisonniers dans le poste pendant les heures de grand froid et les laissent se réchauffer autour du poêle. Lorsqu’ils ont affaire à des enfants perdus, abandonnés ou même coupables, le côté sentimental des vieux troupiers ne tarde point à se montrer. Le pauvre petit diable est roulé dans un manteau, couché sur un matelas, et souvent il passe là une bonne nuit tiède et réconfortante, comme il n’en a pas eu depuis longtemps. En tout cas, jamais, sous aucun prétexte, pour des motifs de moralité que la sagacité du lecteur devinera, on ne réunit dans le même cachot les enfants et les hommes.