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On n’entre pas d’emblée dans ce corps d’élite mi-parti civil et militaire, il faut un apprentissage qui dure près d’une année, pendant laquelle on est admis à titre d’auxiliaire avec une paye fixe de trois francs par jour ; si au bout de ce temps d’épreuve nul reproche n’a été mérité par le candidat, il est nommé sergent de ville, et il peut aspirer légitimement aux grades de sous-brigadier et de brigadier ; après vingt-cinq ans de services consécutifs, il prendra sa retraite et obtiendra une pension de 586 fr. 62 c. Bien peu y atteignent ; un sur dix tout au plus. Au premier abord, l’existence de ces hommes paraît assez douce ; ils sont bien vêtus, ils ont des abris convenablement chauffés, et leur promenade régulière ne semble pas trop fatigante. L’apparence est trompeuse ; il n’y a pas de métier plus pénible. En temps normal, le service est réglé de façon à occuper les agents huit heures par jour. L’irrégularité forcée des heures de repas, les brusques transitions de température, lorsque pendant l’hiver on rentre au poste après la faction, la nécessité de rester dans des vêtements mouillés les jours de pluie, les longues et énervantes stations sur les ponts, au coin des rues, à l’angle des carrefours, par le vent, le soleil, la grêle ou la neige, finissent par ébranler les tempéraments les plus solides et par jeter sur des lits d’hôpital des hommes qui semblaient destinés à vivre centenaires. Aussi les vacances sont fréquentes et le corps se renouvelle incessamment.

Cela est extrêmement fâcheux, car l’éducation d’un tel service ne s’acquiert que par une longue pratique. Le soldat qui sort de son régiment arrive avec des principes d’autorité excessifs ; par cela même qu’il a été forcé d’obéir sans pouvoir raisonner, il est enclin à contraindre les autres à l’obéissance passive. À moins d’aptitudes exceptionnelles, il faut trois années et plus