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flairant la proie, c’est une expansion de bestialité. Ces robes de soie, ces épaules nues où s’enroulent quelques bijoux, cette apparence de luxe et de beauté, soulèvent je ne sais quelles espérances dans ces cœurs violents, et plus d’une femme a dû perdre la tête devant une si brutale explosion d’admiration sauvage et de désirs sans frein. La salle est divisée en un parterre où va le commun des martyrs et une galerie circulaire qui est presque exclusivement occupée par les voleurs. De là, en effet, ils dominent la salle, l’embrassent d’un coup d’œil, surveillent les arrivants, et si, dans la tournure d’un de ces derniers ils croient reconnaître quelque chose d’inquiétant, ils ont bien vite trouvé l’issue secrète par où ils peuvent s’esquiver.

S’ils ont leurs cabarets, leurs cafés, leurs concerts, ils ont aussi leurs bals. Quelques-uns sont simplement comiques ; un entre autres, qui se trouve situé non loin de l’ancienne barrière des Deux-Moulins et où l’on arrive en traversant des rues si particulièrement fangeuses, qu’elles semblent n’avoir jamais été pavées, et si en dehors de toute civilisation, qu’elles sont encore éclairées par ces vieux réverbères à l’huile que quatre cordelettes suspendent entre les maisons. La salle de bal est une sorte de couloir peint en jaune ; au fond, sur une estrade, l’orchestre, composé d’un cornet à pistons, d’un flageolet et d’un tambour, fait rage sans rhythme ni mesure. Là, quand il manque une danseuse, on prend la cuisinière du lieu, car le bal se double d’une gargote ; la dondon se laisse faire sans trop de grimaces et fait sauter ses guenilles d’où s’échappe une intolérable odeur d’eau de vaisselle et de graillons brûlés.

Quelques-uns de ces vastes cafés où l’on danse, où la musique et l’eau-de-vie semblent s’entraider pour produire une chorégraphie inconnue, sont relativement