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lard, les voleurs au rendez-moi, qui fréquentent un café spécial, jouent au tric-trac. Ces classifications ne sont pas absolues, mais elles ont quelque chose de général qui subsiste et s’impose à l’observation. Il n’est pas besoin de dire que tout le monde triche ; les voleurs ne jouent jamais à l’écarté, parce que celui qui donne le premier gagne toujours et forcément, puisque dès la première passe il fait trois points : le roi et la vole. J’ai vu là des enfants de quinze à seize ans, impudents et gouailleurs, qui maniaient les cartes comme de vieux croupiers et jouaient le piquet Rubicon avec une perfection désespérante.

Il existe sur un large boulevard, dégageant une gare de chemin de fer, un café qui a des dehors assez respectables ; on entre dans une salle qui n’est pas fort grande et où d’honnêtes rentiers lisent les journaux en buvant leur gloria ; mais si l’on pousse les portes du fond, on se trouve dans une immense salle contenant seize billards et éclairée par plus de cent cinquante becs de gaz. Là, le long des murs décorés de paysages, ornés de glaces et souvent percés de portes protectrices, grouille une fourmilière humaine ; blouses, redingotes, vestes, habits, chapeaux, casquettes, se mêlent dans une inquiétante fraternité ; à chaque table, on boit et on joue ; des femmes parfois très-jeunes et jolies sont mêlées à ces hommes que nul vice n’effraye ; il plane au-dessus de cette foule un murmure de voix basses et contenues, comme si chacun avait peur d’être entendu de son voisin. C’est là le rendez-vous des carreurs, des caroubleurs, des voleurs à l’américaine, et de bien d’autres qui, n’ayant pas une spécialité bien définie, profitent des occasions que le hasard met sur leur route pour faire le vol à la rencontre.

Le pâté de maisons compris entre le boulevard Saint-Germain et le quai de Montebello contient encore quel-