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timides ou vieillis, d’anciens praticiens retirés de la vie militante, Nestors du vice et du méfait, qui mettent leur expérience au service des gens hardis et sachant braver le péril. Ceux-là combinent une affaire, la préparent, en soupèsent les chances bonnes ou mauvaises, la nourrissent, selon leur expression, et quand elle est mûre, ils la cèdent, soit à prix débattu, soit en échange d’une part dans les futurs bénéfices, à des hommes actifs qui l’entreprennent. Ce sont en général les vieux receleurs qui font ce métier, parfois assez lucratif, mais qui n’est point sans danger, car celui qui a conseillé et prémédité le crime s’assied à la cour d’assises sur les mêmes bancs que celui qui l’a exécuté.

Tous ces mauvais gars, escrocs, filous, meurtriers, ne s’adressent presque jamais qu’aux honnêtes gens ; mais il est une catégorie de voleurs, toute particulière, qui s’attaque spécialement aux voleurs : ce sont les fileurs. Aux aguets de tous les méchants projets qui s’agitent, écoutant et regardant chaque personnage de ce monde néfaste dans la familiarité duquel ils vivent, provoquant les confidences et surveillant toute action engagée, ils s’efforcent de surprendre les malfaiteurs en flagrant délit et, lorsqu’ils y réussissent, ils interviennent en disant : « Part à deux, ou je casse sur toi (ou je te dénonce) ; » le filé a beau regimber, faire appel aux sentiments d’honneur, parler de vengeance, promettre une association pour une affaire prochaine et fructueuse, le fileur tient bon, exige sa part, l’obtient, et va ailleurs chercher une nouvelle aubaine du même ordre. Un fait digne de remarque : les voleurs juifs excellent à filer les voleurs chrétiens ; mais ils ne se filent jamais entre eux.