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voitures près de Paris, presque au sortir de la barrière, et les dévalisait ; il entrait ensuite dans la grande ville, y vivait au milieu des plaisirs crapuleux, et retournait ensuite en expédition. Comme un bon ouvrier, il a fait son tour de France, suivant les foires, attaquant les marchands, dépouillant les diligences, pillant les maisons isolées, hardi, solide, rusé, ne reculant devant aucun crime et devenu pour tous un objet de terreur. Il fut arrêté. Le tigre était doublé d’un singe. Il comprit qu’il était perdu, que son sanglant passé l’enverrait infailliblement à la guillotine, et, du jour au lendemain, de voleur de grandes routes qu’il était, il se fit coqueur, c’est-à-dire dénonciateur. Quoiqu’il ne sût ni lire ni écrire, à cause de cela peut-être, il avait une mémoire prodigieuse et d’une précision extraordinaire. Il raconta avec détails tous les crimes qu’il connaissait, en nomma les auteurs, dit ce que ces derniers étaient devenus, sous quels noms ils se cachaient, et mit tant de malfaiteurs entre les mains de la justice, qu’il évita la mort et ne fut condamné qu’aux travaux forcés à perpétuité. Comme sexagénaire, il est aujourd’hui enfermé à la prison de Belle-Isle. J’ai eu occasion de le voir ; il est très-grand et sa force a dû être colossale ; sa puissante mâchoire inférieure, sa large bouche presque sans lèvres, ses yeux très-mobiles et son front fuyant lui donnent l’apparence d’un énorme chimpanzé, apparence que ne dément pas la longueur démesurée de ses bras. L’analogie parait encore plus frappante à ceux qui connaissent son histoire, car les qualités dominantes qu’il déploya dans la période active de sa vie sont l’astuce et l’agilité.

L’homme qui la nuit se précipite sur un passant, lui demande la bourse ou la vie, l’étourdit d’un coup de pierre ou de bâton, est le scionneur ; il est particulièrement dangereux, car il risque sa liberté, son existence même, pour voler. La vie humaine lui parait chose