Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sitées par les cambrioleurs. Pour ces expéditions, ils sont ordinairement munis d’un monseigneur, sorte de pied-de-biche en fer, assez court pour tenir facilement dans une poche et qui devient entre des mains exercées un levier d’une puissance irrésistible. Un type tout particulier et vraiment extraordinaire de cambrioleur fut Jadin. Si jamais l’expression homo duplex put être appliquée à quelqu’un, c’est à cet homme étrange. Il vivait de vols avec effraction et excellait à faire le flic-flac, c’est-à-dire à démantibuler la gâche d’une serrure à l’aide du monseigneur. Quand le hasard l’avait conduit dans une chambre pauvre et dénuée, non seulement il ne commettait pas de vol, mais il laissait des aumônes parfois assez considérables. Ce bon larron n’en fut pas moins condamné à mort et exécuté pour avoir assassiné une jeune fille qui le surprit pendant une de ses opérations familières.

À côté, mais au-dessus du cambrioleur dans cette sinistre hiérarchie, se place le caroubleur, l’homme qui vole à l’aide de fausses clefs, et que l’on nomme aussi le déboucleur de lourdes. Celui-là doit déployer beaucoup de prudence, de patience, d’adresse et de courage au besoin. Il faut connaître les habitudes des gens que l’on veut voler, savoir les dispositions générales de leur appartement, se procurer avec de la cire l’empreinte des serrures, exécuter soi-même les fausses clefs afin d’éviter d’être trahi d’avance, choisir l’heure propice pour faire le coup et tuer si l’on est découvert. La plupart des vols commis dans les caisses, dans les bureaux, chez les agents de change, les notaires, les négociants de quelque importance, sont dus à des caroubleurs. Le plus célèbre fut Coignard, le faux comte Pontis de Sainte-Hélène, qui, chef de la légion de la Seine, dans une situation vraiment élevée, lié avec les maréchaux de France, admis à la cour de Louis XVIII, qu’il avait suivi à Gand, con-