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tèrent en sanglots : leur maternité brisée les étreignait au cœur.

Par une précaution très-touchante, nulle ne peut conserver son vrai nom, lorsqu’elle passe le seuil du refuge ; elle laisse toute trace palpable de ses souvenirs dans la vie qui est derrière elle ; elle entre nue, comme après un baptême nouveau, dans l’existence humble, recluse, monacale, qui va se refermer sur sa jeunesse. Elle reçoit dès lors un nom de convention qu’elle portera jusqu’à l’heure dernière, et aucune de ses compagnes ne saura qui elle est, ni ce qu’elle a été. Les pensionnaires sont divisées en trois classes sévèrement isolées, qu’elles franchissent successivement par un noviciat plus ou moins long. La maison est admirablement tenue ; on y a tiré le meilleur parti possible du local et des jardins ; les ateliers sont grands, les réfectoires assez spacieux, et les dortoirs seraient irréprochables si, à l’instar des dortoirs protestants, ils étaient munis d’ustensiles de propreté. Ne point donner de linge de toilette à des femmes, les réduire à aller, si la fantaisie les y engage, se laver à la fontaine banale de la cour, c’est pousser l’austérité au delà des limites. Que craint-on ? la coquetterie ? Les cheveux coupés, le béguin de laine noire et la robe de bure suffisent à y mettre bon ordre.

Ce sont les religieuses de Saint-Thomas de Villeneuve qui ont la direction de ce refuge ; mais le recrutement est fait par les dames de l’œuvre du Bon-Pasteur. Celles-ci n’appartiennent à aucune congrégation ; elles sont du monde et du meilleur. Ce sont des mères de famille à qui la soif du bien fait oublier les préjugés de caste et surmonter le dégoût instinctif que toute femme bien née éprouve pour les hontes du vice salarié. À quelque secte philosophique ou religieuse que l’on soit attaché, il est impossible de voir sans une profonde admiration le la-