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touche avec le bout de son nez. Or son nez est enduit de cire vierge et quelques diamants y restent collés qui passent vite dans la manche du filou ; le plus souvent il les enlève sur le papier d’un coup de langue rapide et précis ; d’autres fois, il les retient dans le creux de sa main garnie de gomme adragante. Lorsque le carreur travaille chez un bijoutier en boutique, le procédé est autre et exige un complice. Pendant qu’il fait son choix parmi les bagues ou les broches qu’on a étalées devant lui, un mendiant se présente à la porte et demande l’aumône en nasillant. Le carreur a bon cœur et l’infortune a le don de l’émouvoir. Avec un geste de commisération, tout en se plaignant cependant de la police qui laisse circuler tant de vagabonds dans nos rues, il jette deux sous au pauvre et lui lance en même temps un bijou de prix. Le tour est fait et le mendiant improvisé n’est pas long à disparaître. Si le marchand s’aperçoit de la soustraction, le carreur pousse les hauts cris et demande à être fouillé. Comme il n’a rien sur lui, on se confond en excuses, et il s’éloigne en disant au pauvre boutiquier : Monsieur, c’est ainsi qu’on perd ses meilleurs clients ! » Le vol commis il y a peu d’années au préjudice d’un bijoutier du Palais-Royal, M. F…, et dont la valeur montait à plus de 100 000 francs, était le fait de deux carreurs sur lesquels on n’a pu mettre la main.

Les roulotiers vont par les rues à la rencontre, c’est à-dire au hasard. Quand ils aperçoivent une roulotte, un camion ou une voiture chargée de colis ou de bagages, ils la suivent, et si le conducteur l’abandonne un instant, si les sergents de ville ne sont point en vue, si, en un mot, l’occurrence parait favorable, ils détachent un ballot, une malle, une caisse, se jettent dans la première rue détournée qui s’offre sur leur chemin et s’en vont lentement comme des hommes fatigués par le fardeau qu’ils portent. Autrefois, avant l’établissement des