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salut. Il est rare, extraordinairement rare, que la famille intervienne ; le plus souvent, le père et la mère, au lieu de se présenter au chef de service qui les a mandés, se contentent de répondre qu’ils ne veulent pas donner d’argent (on ne leur en demande jamais), et qu’ils abandonnent leur enfant à l’administration. Mais si, dans la suite, la fille ainsi délaissée fait une fortune quelconque, ou seulement sort de la misère, la mère accourt : « Me voilà, c’est moi qui ferai ton petit ménage. » On ne repousse guère ces retours de tendresse intéressée. Une sorte d’indifférence mêlée de pitié et de vanité vit dans le cœur de la plupart de ces femmes ; et puis elles ont été tant battues dans leur enfance, qu’elles ne sont point fâchées de dominer sur les êtres devant qui elles ont tremblé ; il en est une qui eut pour portiers son père et sa mère, et son frère pour cocher.

Quand une fille se présente pour être inscrite, et lorsqu’elle n’est point absolument gangrenée, lorsqu’un retour au bien est possible, le bureau des mœurs appelle à son aide toutes les ressources morales dont il dispose, et plus d’une fois il a arraché au mal l’être qui allait périr. Dans l’espace de cinq ans, il a rendu à leur famille, confié à des protections respectables ou à des sociétés charitables, 5 217 jeunes filles arrêtées, à qui il a ainsi rouvert la bonne porte. Bien souvent déjà on a essayé de guérir la lèpre morale qui dévore cette classe de femmes. Les efforts ont été inutiles ; elles sont très-fugaces, défiantes, elles glissent et échappent aux raisonnements. Chaque fois qu’on a sérieusement voulu attaquer la prostitution, on a été arrêté par des obstacles toujours renaissants, derrière lesquels on trouvait l’homme. Oui, l’homme, qui est le plus sûr auxiliaire du vice, non pas parce qu’il en profite au point de vue de ses plaisirs ou de sa passion, mais parce qu’il y trouve des ressources qui lui per-