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souvent assassinées. Parmi elles, il y en a qui sont d’une délicatesse scrupuleuse. À cet égard, un fait qui s’est passé en 1809 mérite d’être raconté. Un jeune homme de dix-sept ans, employé dans une maison de commerce, avait, malgré son extrême jeunesse, inspiré une telle confiance qu’il fut chargé de la caisse. Longtemps régulier et à l’abri de tout reproche, il fit, comme l’on dit, de mauvaises connaissances, se laissa entrainer, fut tenté et disparut de chez son patron en emportant 50 000 francs. Il se rendit dans une grande ville de province, y fit quelques dépenses, y acheta des bijoux pour son usage ; mais, se trouvant trop près de Paris, et craignant d’être découvert, il gagna la capitale d’une province méridionale de l’ancienne France. Il va dans une de ces maisons que l’on devine, et, tout fier de sa richesse mal acquise, il montre à la femme qu’il avait choisie, sa montre, sa chaîne, ses boutons de manchettes et enfin son portefeuille, qui renfermait 47 000 francs en billets de banque. Pour cette misérable, c’était une fortune, et elle pouvait lui dire, comme les gens de sa sorte : part à deux ! Elle n’en fit rien, loin de là.

Elle lui dit qu’il était trop jeune pour avoir tant d’argent, qu’il avait volé, que les mauvais chemins menaient aux précipices, qu’à son âge toute faute, si grave qu’elle fût, pouvait être pardonnée ; que, s’il ne revenait pas résolument en arrière, sa vie était perdue et détruite à jamais ; qu’elle le savait bien, elle, qui avait côtoyé les voleurs et qui n’ignorait aucune des angoisses de leur existence ; qu’il fallait, tout de suite, sans plus réfléchir, boire sa honte et aller trouver un prêtre qui dirait ce qu’il y avait à faire. Le jeune homme eut beau lutter, elle n’en démordit point et le conduisit chez le premier curé que l’on rencontra. L’argent fut renvoyé à qui de droit ; le caissier infidèle se constitua