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vie celle qui implore votre pitié. » Peut-on sévir contre de telles infortunes ? Elle fut relaxée immédiatement. On pensera peut-être que de pareilles leçons portent fruit et corrigent celles que la destinée a si durement frappées ? erreur ; elles se rejettent dans la débauche avec une insouciance qui serait inexplicable, si l’on ne savait que chez ces sortes de femmes les impressions sont d’autant plus violentes qu’elles sont plus fugitives. Cette même femme qu’on aurait pu croire corrigée par un sort si implacable, trouva un honnête ouvrier qui l’épousa. Elle n’en continua pas moins sa vie de désordres. Arrêtée pour fait public d’immoralité, elle fut réclamée par son mari, à qui l’administration consentit à la rendre. À peine sortie du bureau, elle égara son naïf mari dans le dédale de la Préfecture de police, se sauva, et deux jours après était surprise dans des conditions qu’on ne peut raconter. Est-elle simplement vicieuse ? N’est-ce point plutôt une malade et peut-être une aliénée ?

L’ignorance de quelques-unes de ces créatures amoureuses du mal, qui ne sont pas encore des jeunes filles et déjà ne sont plus des enfants, dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Beaucoup d’entre elles, âgées de quatorze ou de quinze ans, non-seulement n’ont jamais franchi le seuil d’une église ou d’une école, mais ignorent même le nom de Dieu et la forme de la première lettre de l’alphabet ; elles ne savent littéralement pas parler, non pas qu’elles ne puissent articuler des sons, mais parce qu’elles n’ont point à leur service le nombre de mots nécessaires pour exprimer une idée ; à toutes les questions qu’on leur pose, elles répondent, avec le geste brusque d’un animal effarouché : Je ne sais pas ! Lorsqu’on les interroge sur leurs parents, on doute si l’on est en présence d’un être humain. Avez-vous encore votre père ? — Papa ? je crois que oui, mais je n’en suis pas sûre. — Et votre mère ? — Maman ? elle