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laire, reconduisent le poivrier chez lui et le défendent s’il y a lieu. La profession est assez lucrative et ceux qui l’exercent s’appellent des anges gardiens.

L’homme adroit, habile de ses mains, assez preste pour se dérober, assez hardi pour aborder les difficultés de front, se fait tireur, et, parmi toute cette tourbe, devient une sorte d’artiste, de prestidigitateur élégant qui méprise la violence et estime que la dextérité suffit. C’est dans les foules, à la sortie des théâtres, aux expositions, aux bureaux des omnibus, dans les gares de chemin de fer qu’il travaille de préférence ; ses mains agiles et déliées entrent dans les poches et en tirent les porte-monnaie, les montres, les bourses, les portefeuilles avec une rapidité sans exemple. On ne sent pas même un frôlement. On prétend que le requin est précédé par de petits poissons qui lui tracent sa route et lui indiquent sa proie. Il en est de même d’un bon tireur : il est toujours escorté par quatre ou cinq moucherons (gamins), apprentis du vol, qui, d’un geste ou d’un mot, lui désignent les personnes sur lesquelles il peut exercer son adresse.

Quelques-uns de ces hommes sont tellement habiles, qu’ils font la tire à la chicane, c’est-à-dire en tournant le dos à l’individu qu’ils dépouillent. L’un d’eux, Mimi Lepreuil, a laissé à la préfecture de police le souvenir d’un homme incomparable ; on l’avait surnommé la Main d’or. Il était connu, surveillé spécialement, et jamais on ne parvint à le prendre sur le fait. Il s’était retiré des affaires et jouissait d’une quinzaine de mille livres de rente provenant de ses innombrables vols ; mais je doute que la fortune lui ait été fidèle, et, si je ne suis abusé par une similitude de nom, je crois que, tombé dans la misère et devenu vieux, il se fit dénonciateur. Ce Mimi Lepreuil est le héros d’une anecdote qui prouve son impudence. Le 13 octobre 1833, le jour