Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rables, en commettant des crimes devant lesquels toute conscience se révolte, n’ont point obéi à la fatalité morbide de leur organisme ? On n’ose guère insister sur un pareil sujet, car le jour où la science et la loi se trouveraient aux prises sur cette question, les pénalités exagérées disparaîtraient de nos codes, et l’on triplerait les asiles d’aliénés.

N’est-ce pas du reste un spectacle douloureux de voir un groupe de quarante millions d’hommes s’imaginer qu’il ne peut vivre en paix qu’après avoir tué un de ses membres ? Il y a là un aveu de faiblesse et d’impuissance qui est fait pour étonner. Le châtiment qui ressemble à une vengeance est vicieux, car, sous peine d’immoralité, il doit servir à l’amendement du coupable. Il faut se rappeler le mot que le grand Adrien Duport a prononcé au début de la Révolution : « Une société qui se fait légalement meurtrière n’enseigne-elle pas le meurtre ? » Toutes les fois qu’un homme meurt, une force est anéantie, une force que peut-être on aurait pu employer à une œuvre d’intérêt collectif. Si l’Italie avait su utiliser ses condamnés à mort, il y a longtemps que les marais Pontins seraient desséchés, et que la malaria qui la dévore aurait disparu.

La peine de mort est un legs de ces temps sans merci qui ont autrefois pesé sur l’histoire : de plus en plus elle rentre dans l’ombre, les chiffres statistiques le prouvent ; peu à peu nos mœurs la repousseront et la loi la rejettera. Lorsque déjà elle sera abrogée de fait, elle ira rejoindre dans l’arsenal judiciaire que nous avons hérité du moyen âge, la diversité des supplices gradués, la torture, le pilori, le carcan, la marque, disparus pour toujours, et dont l’abolition n’a point mis la société en péril[1].

  1. Les États qui ont déjà aboli la peine de mort sont : La Finlande, en 1826 ; la Louisiane, en 1830 ; l’île de Taîti, en 1831 ; l’état de Michigan,