Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il voudrait conserver votre nom dans son souvenir. » À cet instant, on franchissait la porte ; il y eut un grand murmure dans la foule éloignée ; du haut de leurs chevaux, quelques gendarmes se penchèrent pour mieux voir ; le pauvre homme et l’aumônier s’arrêtèrent au pied de l’échafaud ; celui qui pardonne au nom de la justice divine embrassa celui qui allait mourir pour satisfaire à la justice humaine ; le patient baisa le crucifix, et le prêtre s’éloigna rapidement en détournant la tête.

L’exécuteur monta les dix marches et resta immobile sur la plate-forme, à gauche de la bascule. Dans ses vêtements noirs il paraissait gigantesque ; un silence profond comme la mort avait abattu tous les bruits. L’homme, soutenu par deux aides, gravit les degrés et se tint droit et roide devant la bascule. Le temps qu’il resta là est appréciable ; il avait les yeux fixés devant lui et n’articula pas une parole. Un des aides enleva d’un brusque mouvement la loque noire qui lui couvrait les épaules et se plaça à droite, debout contre le panier rouge, sur le couvercle duquel il posa la main. L’autre courut prendre son poste devant la lunette. L’exécuteur appliqua sa large main sur le dos du patient, le saisit par la courroie qui lie les deux poignets et le poussa en avant ; la bascule décrivit un quart de cercle entraînant l’homme avec elle. On entendit deux ou trois cris de femmes ; l’exécuteur fit jouer le ressort de la demi-lune, qui s’abaissa. L’aide prit l’homme par les cheveux, l’exécuteur tourna la poignée qui manœuvre le mouton : le glaive passa comme un éclair noir. Alors il y eut un éclaboussement de choses funèbres : à des intervalles successifs, mais qu’une rapidité vertigineuse rendait simultanés, on vit glisser le couperet, le sang jaillir, la tête bondir dans la manne, le corps y rouler et le large couvercle se rabattre. C’est terrible !

Quatorze secondes, calculées sur une montre à galo-