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pris une extension si considérable ? Il faut dire que les victimes sont peu à plaindre ; c’est tout bénéfice en faveur de la morale lorsqu’on est trompé, volé, dépouillé pour avoir cherché des gains excessifs et parfois illicites.

Les faiseurs, escrocs, filous, faussaires pour la plupart, forment l’aristocratie du genre voleur. Ils vivent bien, et les restaurants célèbres les connaissent ; mais lorsque, percés à jour, démasqués, évitant la prison par miracle, ils se voient sans crédit et sans ressources, que deviennent-ils ? S’ils n’ont point une maîtresse qui les aide à vivre, ils se font vendeurs de contre-marques, marchands de vieux habits, marchands de chaînes de sûreté, ou photographes. Dans ce dernier cas, les images qu’ils reproduisent sont d’un ordre tel, que la police se mêle activement de leurs affaires. Ils apprennent alors à leurs dépens ce qu’il en coûte d’outrager la morale publique, sous prétexte d’envoyer au Brésil, au Pérou, au Japon même ces photographies obscènes que leur argot appelle des polkas.

Les dragueurs de la haute, ou francs-bourgeois, sont les mendiants qui savent s’introduire dans les maisons et prétendent appartenir à la profession des personnes qu’ils sollicitent. Ils acceptent humblement la moindre aumône, et, si l’on n’y prend garde, décrochent volontiers la montre qui est pendue à la cheminée. Le comédien ruiné par l’incendie du théâtre, l’ecclésiastique modeste qui a fait vœu de se rendre à pied jusqu’à Rome, l’homme de lettres fatalement entraîné dans la faillite de son éditeur, le négociant qui a eu des malheurs, l’ancien instituteur que des infortunes de famille et sa vertu ont réduit à la misère, sont des dragueurs de la haute ; ils ne marchent que munis de certificats en règle et de recommandations dont les signatures n’ont pas toujours une pureté irréprochable.