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gardien de la prison lui avait apportée, avait regardé dresser l’échafaud sans dire une parole et sans mettre la main à la besogne. Le chef de l’équipe vint le prévenir que tout était terminé ; il monta alors sur la plate-forme. Minutieusement, il examina toutes les parties de la machine, fit jouer le glaive, qu’on laissait lentement glisser et qu’il appuyait fortement de la main pour en assurer le jeu régulier. Promenant une lanterne devant chaque boulon, autour de toutes les jointures, essayant les ressorts, donnant à toute chose, en un mot, le coup d’œil du maître, il reconnut que nul accident n’était à redouter. Quelques soldats sortis du poste tournaient autour de l’instrument du grand supplice ; ils se parlaient à voix basse, comme on fait involontairement dans la chambre d’un mort, et se montraient du doigt l’énorme couteau remonté dont la forme triangulaire paraissait formidable.

Vers trois heures du matin, une rumeur prolongée sortit de la foule, un bruit rythmique de pas scandés s’accusa, que dominait le hennissement des chevaux : c’était la garde de Paris qui arrivait ; cent vingt hommes à pied, quatre-vingts à cheval, ouvrirent la masse des curieux et se déployèrent sur la place ; quelques commandements retentirent, on entendit le froissement métallique des fusils, et les pelotons allèrent prendre position ; cent vingt sergents de ville d’arrondissements, soixante-dix des brigades centrales, sous la conduite de quatre officiers de paix, maintenaient l’ordre et bordaient les trottoirs, au delà desquels ils repoussaient les impatients. Un peu plus tard vingt-six hommes à cheval de la gendarmerie de la Seine, encore grandis par leur incommode bonnet à poil, vinrent former un demi cercle en face de l’échafaud. À chacun de ces incidents nouveaux une émotion nouvelle saisit la foule, car on sent que le drame s’accélère et qu’il touche à sa fin.