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Un soir cependant, vers onze heures, on a vu des hommes porteurs d’une lanterne inspecter le pavage qui s’étend devant la prison ; des sergents de ville, sous la conduite d’un officier de paix vêtu de son élégant costume, prennent position çà et là, à l’angle des rues. Nul doute, c’est pour « demain matin ». Les plus avisés, ceux qui ne veulent perdre aucun détail, se rendent rue Folie-Regnault et s’installent en face d’une très-grande masure. C’est là, en effet, que sont remisés les bois de justice, dans un vaste hangar volontiers fréquenté par les araignées, mal défendu contre les intempéries par un vitrage à moitié défoncé, car presque tous les gens de mauvais monde jettent une pierre, en passant, à ce qu’ils appellent la maison maudite ; en signe de peur, en signe de haine, pour conjurer le mauvais sort ? qui sait ? On charge les bois dans un fourgon, en ayant soin d’y joindre un double glaive, car un accident pourrait survenir, auquel il faudrait porter immédiatement remède. Dans une autre voiture couverte et fermée, assez semblable à celle dont les grands magasins de nouveautés font usage aujourd’hui pour transporter leurs marchandises, on a installé le panier qui doit recevoir le corps du supplicié et lui servir de cercueil jusqu’au cimetière. Vers minuit tout est prêt ; l’exécuteur veille à ce que rien ne soit oublié ; ses aides sont près de lui ; l’équipe des ouvriers charpentiers est au complet. On ouvre la porte charretière à deux battants, et l’on se met en marche.

L’exécuteur, reconnaissable à sa taille exceptionnelle, est le but de tous les regards. Des jeunes gens, des enfants, curieux et peu réservés, le devancent, se retournent pour mieux le voir et s’approchent de lui. Il lui suffit de lever la tête et de les regarder ; ils s’arrêtent, reculent et s’éloignent. En cinq minutes on est sur la place de la Roquette, devant la porte de la prison. Des groupes indis-