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exécutée, il lui faut bien un exécuteur, — et que M. de Maistre n’a pu relever dans l’opinion publique en disant qu’il est la clef de voûte de l’édifice social[1].

C’est un humble et terrible fonctionnaire qui, pour accomplir sa tâche, sort momentanément de l’ombre où il se complaît. Il est peu payé, et misérablement même, si l’on songe à ce qu’il est obligé de faire. Avant la Révolution, l’exécuteur percevait sous le nom de havage ou de riflerie un droit sur les céréales apportées à Paris, qui lui valait environ 17 000 livres par an. C’était là son traitement fixe, indépendamment des factures, à prix débattu, que le parlement lui faisait payer après chaque exécution. Aujourd’hui il a un abonnement de 9 000 francs pour entretenir, loger, transporter les bois de justice, fournir ce qu’on nomme les accessoires, conduire le cadavre au cimetière, solder les charpentiers ; de plus, il a un traitement annuel et fixe de 4 000 francs ; ses deux aides sont payés 1 500 francs chacun.

Afin de serrer la vérité d’aussi près que possible dans cette étude, j’ai suivi toutes les phases d’une exécution, — je prie le lecteur de m’en savoir quelque gré, — et je les raconterai, car ces douloureux spectacles offrent tous les mêmes péripéties et passent dans un ordre immuable, fixé d’avance, sous les yeux du public. Dès qu’on a su par les journaux que le pourvoi en cassation est rejeté, chaque soir des groupes de curieux se sont réunis place de la Roquette et ont attendu ; vers une heure du matin, voyant que rien d’anormal ne se produisait, ils se sont dissipés ; avant le jour, d’autres sont venus, et sont partis désappointés après avoir traversé les rues désertes.

  1. Michelet dit à propos des massacres de la Saint-Barthélémy : « Une classe fut admirable, celle des bourreaux ; ils refusèrent d’agir, disant qu’ils ne tuaient qu’en justice. » (Michelet, Hist. de France, tome IX, p. 477.)