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Il n’y en a pas à redouter avec l’exécuteur en chef actuel des hautes œuvres de la justice ; on peut lui appliquer le mot dont Suétone a frappé le soldat que Caligula faisait venir à la fin des repas : decollandi artifex. C’est un colosse, il a plus de six pieds de haut, il a le sang-froid, la vigueur et l’adresse. À voir sa grande taille, ses fortes épaules, ses cheveux blancs, ses larges mains, qu’il a fort belles et très-soignées, on se prend à regretter qu’il ne porte pas le sarrau rouge et la capuce des tortionnaires du moyen âge. Comme s’il était en deuil de ceux que la justice lui a livrés, il est couvert de vêtements noirs qui sont d’une propreté recherchée. Il est très-réservé d’attitude ; ingénieux, du reste, et inventeur, il a apporté au triste instrument qu’il gouverne des améliorations notables et qui ont profité aux condamnés. Il a beau se dire qu’il est le représentant de la justice, et que, pour l’acte suprême de son ministère, elle lui a confié le glaive impeccable qui ne doit jamais frapper à faux, il n’en est pas moins ému et troublé, car il va tuer un homme. À la suite de presque toutes les exécutions, il est malade pendant plusieurs jours.

Le temps n’est plus où il était interdit à l’exécuteur d’habiter dans l’intérieur des villes. Il faut qu’il y vive au contraire, à la disposition de la justice, qui doit pouvoir l’appeler et le requérir à toute heure de jour et nuit. Il est chargé des exécutions dans les sept départements ressortissant à la cour impériale de Paris. On ne voit plus, comme au siècle dernier, qu’il tient table ouverte pour les gentilshommes pauvres ; on ne va plus lui demander de la graisse de cadavres pour des philtres et des onguents mystérieux ; mais il n’en est pas moins un personnage obscur et redouté sur qui pèse une sorte de déchéance injuste, — car si la loi doit être

    par les quarrefours de Paris. » (Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, p. 53.)