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toujours avec mauvaise foi, toujours avec l’intention préconçue de tromper qui les aborde.

Lorsqu’ils ont besoin de valeurs représentatives, ils griffonnent des billets à ordre qu’ils font endosser par des gens dont c’est à peu près l’unique métier et qu’on paye, selon l’importance de l’effet, depuis vingt centimes jusqu’à cinq francs par signature. Ces sales tripotages ont lieu presque publiquement, tous les jours, sous nos yeux, sans qu’on les remarque, et deux vastes cafés, situés faubourg et boulevard Montmartre, vivent d’une clientèle presque exclusivement composée de ces coquins. Quelques-uns font fortune, quelques-uns sont devenus millionnaires ; mais la plupart, côtoyant sans cesse la police correctionnelle et la cour d’assises, finissent par tomber dans l’une ou dans l’autre et s’en vont méditer au milieu du silence des maisons centrales sur les montres en racine de buis, sur l’assurance mutuelle contre le choléra qu’ils avaient inventées.

C’était un faiseur cet individu qui, ayant accolé à son nom patronymique, très-réellement noble, un titre de vicomte, s’en allait, affublé d’un costume de général loué dans un magasin, recommander une spéculation véreuse où il voulait entraîner le ministère de la guerre ; il n’échappa point à la cour d’assises ; mais, malgré les deux années de prison qu’il a subies, il se promène tête haute sur le boulevard, la mine impudente, la boutonnière ornée d’une rosette qui peut encore l’aider à faire de nouvelles dupes, et il signe des livres pour lesquels il sait obtenir des réclames dans les grands journaux. Le type de ces hommes est resté populaire depuis que Daumier les a symbolisés dans sa création de Robert-Macaire. Ils sont aujourd’hui plus nombreux que jamais. Vidocq estimait que de son temps ils levaient un impôt de 70 millions sur la bourse des Parisiens. Qu’est-ce donc à cette heure que les affaires ont