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naire, fit « un saut de carpe », s’élança presque à travers la lunette avant que la partie supérieure en fût retombée ; lui aussi mordit l’exécuteur. Les condamnés ne se mettent pas ainsi tous en résistance ; mais, quelle que soit leur résignation ou leur abattement, l’instinct vital subsiste et se défend.

Une fois qu’ils sont basculés, dans cet instant si rapide, que l’œil peut à peine l’apprécier, ils obéissent tous à un mouvement involontaire, inconscient, et qu’on pourrait appeler fatal. Au lieu de porter la tête en avant, ils la rejettent à droite, fuyant ainsi l’exécuteur qui est debout à leur gauche, et au lieu de se placer dans la demi-lune, ils vont buter contre le poteau. Il faut alors les ramener dans la position qu’ils doivent occuper, les ajuster, selon l’affreuse expression du métier, et ce seul effort, centuplé par une vivacité plus prompte que la pensée, nécessite une force considérable. « Après chaque exécution, j’ai les saignées brisées, me disait l’exécuteur. » Les rôles sont distribués d’avance entre les acteurs de cette lugubre tragédie ; l’un des aides saisit la tête, l’autre soulève la bascule par en bas et maintient les jambes du patient, pendant que l’exécuteur hâte le dénoûment. Ces mouvements combinés, différents les uns des autres, accomplis par trois personnes, concourant tous au même but, doivent être faits avec une simultanéité irréprochable, sinon les plus graves inconvénients pourraient en résulter[1].

  1. On croit volontiers dans le peuple que jadis l’exécuteur prenait la place du condamné, lorsque celui-ci n’était point décapité au troisième coup ; c’est là une tradition qui ne repose sur rien. Cependant il était bon d’être habile à manier le glaive et de ne point manquer son homme, ainsi que le prouve le fait suivant : « L’an 1517, le mercredy 1er  avril, fut tué Fluraut, le bourreau de Paris, parce qu’il faillit à coupper la teste à un homme, au pillory, par justice ; dont, après ce, fut tant opressé de pierres, qu’il lui convint s’en aller mucer en la cave du dit pillory. Quoy voyant le peuple, mist le feu dedans la dicte cave ; parquoy fut iceluy bourreau estain et trouvé mort. Dont après furent un ou deux des maulvais garçons, qu’avaient mis le feu, prins par justice et battus