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genre de vol représente une catégorie d’individus presque exclusive, ils sont en ceci semblables aux corps d’état, qui se respectent, se dédaignent mutuellement, et n’empiètent jamais les uns sur les autres. Les malfaiteurs qui pratiquent habituellement plusieurs espèces de vol sont rares ; presque toujours, au contraire, ils se sont renfermés dans une spécialité où ils finissent par acquérir une habileté prodigieuse. Il y a autant de diversité dans le vol qu’il y en a dans le travail. Les voleurs ne l’ignorent pas, et lorsque l’un dit : Je n’ai pas travaillé aujourd’hui, cela signifie simplement qu’il n’a trouvé aucune occasion de voler.

Les plus nombreux et les plus dangereux peut-être, car on ne s’en méfie guère et nous les coudoyons tous les jours sans les soupçonner, fréquentent les théâtres, les courses, sont empressés, insinuants et polis, se nomment les faiseurs. Ceux-là n’enlèvent pas la montre des passants et ne cassent pas les boutiques fermées ; non, ils laissent ces mauvaises actions au menu fretin de l’espèce ; ils sont gens de bonnes façons et opèrent avec moins de brutalité. Ils vivent dans les quartiers du gros commerce, et ils y ont quelque part, à l’entresol, un bureau muni de registres, de grillages, sur lequel le mot caisse est écrit en grosses lettres. Ils sont fort enclins à faire des annonces à la quatrième page des journaux, appelant les capitaux et promettant des bénéfices sans pareils. Les dupes arrivent, se laissent prendre à l’appât, sont ruinées et le plus souvent se contentent de geindre en disant : J’ai fait de fausses spéculations. Les faiseurs excellent à acheter à terme et à vendre au comptant, et lorsqu’on vient pour toucher le montant du billet qu’ils ont souscrit, on trouve que l’appartement est à louer et que le locataire est parti sans laisser sa nouvelle adresse. Ils essayent de tout : bourse, banque, négoce, commandite, journalisme, fournitures,