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et sont rattachées à son dos, de sorte que ses bras sont toujours collés le long du corps et que tout mouvement lui devient à peu près impossible. De ce moment, il faut qu’il soit servi en chaque chose, car il est tellement neutralisé, que les fonctions de la vie, même les plus humbles, lui sont interdites. Nul instrument de métal ne sera laissé à sa portée, et lorsqu’on le fera manger, ce sera avec une cuiller de bois.

Ce n’est pas sans effort, le plus souvent, qu’on parvient à revêtir un condamné de la camisole, les gardiens l’entourent, le pressent, l’étourdissent par la rapidité de leur action ! Sans lutter, il résiste. À quoi bon tant d’entraves ? que veut-on de lui ? n’est il déjà pas assez malheureux ? Il jure qu’il ne se tuera pas ; il est homme d’honneur, il donne sa parole sacrée ; il demande à écrire au ministre, à l’Empereur. Il y a là parfois des désespoirs si réels, qu’on oublie les crimes de ce malheureux et qu’on n’éprouve plus pour lui qu’un sentiment de pitié infinie. On le réconforte : c’est le règlement, il faut s’y soumettre, plus tard on verra ; si sa conduite est bonne, on fera peut-être une exception en sa faveur. Le codétenu intervient à son tour : « Laisse-toi faire, va, ça n’est pas si dur que ça en a l’air ; on s’habitue à tout. » Il n’est peut-être pas un de ces hommes qui, enfin revêtu, ne se soit appuyé contre la muraille et n’ait dit, en soufflant avec effort : J’étouffe là dedans !

C’est le vrai supplice, qui doit durer jusqu’à la dernière demi-heure ; car cette camisole qui entrave et paralyse tous ses gestes, qu’ils soient instinctifs ou réfléchis, qui, jour et nuit, à chacun de ses mouvements, dans la veille comme dans le sommeil, lui rappelle qu’il va mourir, il ne la quittera qu’au moment de monter sur l’échafaud. Et pourtant il n’est point seul dans sa cellule, à toute minute il est en présence de son