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sous le Consulat, vit, jusqu’à la révolution de Juillet, toutes les exécutions capitales dont Paris fut ensanglanté. Elles étaient à cette époque précédées par des préliminaires d’une lenteur désespérante. Le condamné, amené dès le matin de Bicêtre, où il était enfermé depuis qu’il avait signé son pourvoi en cassation, était conduit à la Conciergerie pour passer son dernier jour. Quelques minutes avant quatre heures, il était extrait de la prison, hissé sur une charrette découverte et dirigé ainsi, à travers la foule qui encombrait les quais, jusqu’à la place sinistre où il devait mourir. Du haut de l’échafaud, tourné vers la Seine, il pouvait voir le Palais de Justice et Notre-Dame[1].

Cet usage profondément immoral d’exhiber ainsi le condamné et de le montrer au peuple tomba avec la dynastie des Bourbons. À la place de Grève on substitua la place de la barrière Saint-Jacques, qui fut « inaugurée » le 3 février 1832 par Desondrieux ; au lieu de faire l’exécution à quatre heures de l’après-midi, à ce moment trop bien choisi où toute la population sur pied peut accourir, au lieu de laisser les crieurs arpenter les rues en annonçant le moment du supplice, on imposa aux agents de l’autorité une discrétion absolue et l’on fixa l’heure de l’expiation de grand matin, au petit lever du jour. Mais un acte barbare subsistait encore : le trajet de Bicêtre à la barrière Saint-Jacques ; il avait cepen-

    revenant de chez le plumassier, où nous avions fait monter nos bouquets de plumes, nous fûmes obligés de demeurer au bout du pont Neuf, parce qu’il y avoit une grande foule de monde pour voir pendre un voleur qui avoit dérobé pour 10 000 livres en vaisselle d’argent chez M. de Vendosme, et qui avoit fait encore plusieurs autres vols dans Paris. Il nous estoit impossible de la fendre, si bien que ce fust presque par contrainte que nous vismes ce triste spectacle.

  1. « La plus ancienne exécution sur la Grève dont on ait conservé le souvenir, est celle de Marguerite de Hainaut, dite Porrête, et de Guyard de Cressonessart, clerc du diocèse de Beauvais, brûlés pour cause d’hérésie en 1310, en présence de l’évêque de Paris et de son clergé. » Leroux Lincy, Hist. de l’Hôtel-de-Ville, p. 59.