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À certain jour elle s’anime. La grille et la lourde porte qui ferment l’entrée s’ouvrent pour laisser pénétrer dans la première cour un grand omnibus à quatre chevaux qui vient chercher les centrals et les forçats, pour les conduire au chemin de fer. Avant qu’ils partent pour leur destination, qui bien souvent est Cayenne ou la Nouvelle-Calédonie, ils sont rasés, et le barberot (barbier) leur taille les cheveux en échelle, à coups violents qui laissent apparaître la peau du crâne et lui donnent une apparence zébrée. C’est la coiffure distinctive du forçat. Puis le condamné se déshabille complètement, nu comme Dieu l’a fait. Lorsqu’il est dans cet état, on procède au grand rapiot, c’est-à-dire à une perquisition minutieuse. Un des surveillants conducteurs qui doivent escorter le prisonnier jusqu’au bagne, lui regarde dans la bouche, sous les aisselles, entre les doigts des pieds et des mains, pour voir s’il ne cache pas quelque lime ou de l’argent. Est-ce tout ? Non. On fait pencher le malheureux en avant, on lui ordonne de tousser avec force et au même instant on lui applique une forte claque sur le ventre.

Le but de cette opération, qui n’a rien de douloureux, est assez délicat à expliquer. Jadis il était de tradition parmi les hommes des chiourmes et des geôles que certains prisonniers possédaient une herbe merveilleuse qu’on appelait l’herbe à couper le fer. Vidocq, qui s’échappa plusieurs fois de prison et du bagne, savait bien où elle poussait. Depuis ce temps, le scepticisme a fait quelques progrès, l’on est moins crédule, et l’on sait que les voleurs excellent à cacher dans une partie secrète de leur corps un étui qu’ils appellent bastringue, et qui est un véritable nécessaire de serrurier. C’est pour les débarrasser, au besoin, de cet instrument baroque qu’on les visite avec tant de précautions. J’ai un de ces bastringues sous les yeux ; il est en argent ;