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tailleurs accroupis cousent des habits pour les établissements de confection, des jeunes gens font des boutons de cuivre à coups de balancier, d’autres agencent dans un frêle étui de papier gaufré des éventails-écrans en linon ou en marceline ; on fait des chaînes ; on découpe des abat-jour dans de gros papiers qu’on a préalablement passés à une teinture verte composée d’oxyde de cuivre et d’arsenic, métier fort malsain qui produit des affections herpétiques et force le médecin de la prison à faire distribuer chaque jour un litre de lait, comme antidote, aux hommes qui l’exercent. De plus, on astreint ceux-ci à prendre chaque mois deux bains ordinaires et deux bains sulfureux.

Je voudrais bien que les femmes, j’entends celles qui donnent le ton et fixent la mode, pussent visiter Sainte-Pélagie ; elles y verraient comment on fabrique ces faux chignons qu’elles se suspendent impudemment à la nuque ou qu’elles laissent flotter sur leurs épaules. Un atelier est occupé à ce genre de besogne, qui n’exige qu’un facile apprentissage. Tous les cheveux achetés sur des têtes douteuses, ramassés un peu partout, arrachés du démêloir, roulés sur une carte, jetés à la borne et piqués par le crochet du chiffonnier, sont assemblés d’après les nuances, divisés selon les longueurs, et, après un nettoyage qui ne les rend guère plus ragoûtants, envoyés à Sainte-Pélagie, où des détenus passent la journée à les fixer sur un fil de soie. De là, lorsqu’ils auront été massés d’après les règles de l’art, ils s’en iront rue Notre-Dame-de-Lorette ou au faubourg Saint-Germain, selon qu’ils seront achetés par une fille ou par une marquise.

Toutes les dépendances de Sainte-Pélagie sont serties d’une haute muraille dont la partie supérieure forme terrasse et qui les enferme dans un carré régulier. Le soir, on place là des sentinelles qui planent sur les cours