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liberté malsaine qui l’éloigne des livres ennuyeux, du pédagogue importun, de la maison sévère. Il se rappelle la correction paternelle, il n’ose rentrer, il va coucher à l’abri d’une porte ; s’il échappe aux rondes de sergents de ville, il se retrouve au point du jour sur le pavé de Paris sans sou ni maille ; il a faim, il vole un saucisson chez un charcutier. Le premier pas est fait ; il a, tout petit qu’il est, acquis une funeste et décevante expérience ; il vient de faire tout un apprentissage, il comprend le gain sans travail et s’aperçoit qu’on peut posséder sans acquérir. Dès lors, presque toujours, il est perdu ; le vice l’a pris et le crime l’attend. L’âge vient, toutes les passions de la jeunesse le sollicitent et le poussent. Il vole de l’argent, chez son père d’abord, chez son patron, dans une boutique ouverte ; s’il est pris, il passe en jugement ; on a pitié de son âge, qui plaide pour lui ; il fait deux ans de prison, deux ans pendant lesquels il vit avec tout ce que la société a de pire, dans des préaux où il n’entend que forfanteries criminelles, car là c’est à qui se vantera des plus effroyables actions ; comme un apprenti qui veut passer maître, il se parfait en son art. Au sortir de la geôle, il retrouve ses compagnons. Les timides opérations d’autrefois sont tournées en risée. On rêve des vols avec effraction, de grosses affaires qui font courir un risque sérieux, mais rapportent du moins d’importants bénéfices. Le crime est résolu, un imprudent en est témoin par hasard, il crie au voleur, il est tué, et le petit vagabond d’autrefois, devenu assassin, s’en va retrouver sur la guillotine le monde inexplicable des Poulmann, des Avril et des Norbert.

Énergie physique et défaillance morale, tels sont les deux traits principaux qu’on retrouve chez presque tous les criminels. Quelques-uns, prenant le banc des prévenus à la cour d’assises pour une sorte de piédestal, affectent des attitudes théâtrales. Comme Lacenaire, ils