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l’on allait enfin sortir de cet interminable provisoire ; la révolution de Février survint ; tout fut remis à d’autres temps. Aujourd’hui encore la matière n’est réglée que par des arrêtés ministériels, par des ordonnances préfectorales, et nous attendons encore une loi sur le régime intérieur des prisons[1].

Dans l’état actuel des choses, l’unité de principe qui doit servir de base à toute institution fait défaut à notre système pénitentiaire ; en réalité, il se trouve absolument subordonné aux exigences des locaux, vieilles abbayes, anciens châteaux, prisons nouvelles, qui lui ont été consacrés selon des besoins provisoires, devenus définitifs. L’emprisonnement n’est pas en rapport avec le crime commis, ni avec la peine prononcée ; il est en commun ici ; là il est cellulaire. Pourquoi ? parce que la maison de détention est disposée de telle ou telle façon. Il n’y a point d’autre motif, et l’on est surpris que l’administration française puisse s’en contenter.

De grands progrès ont été cependant accomplis. Dans un rapport lu le 5 juillet 1843 devant la chambre des députés, M. de Tocqueville fait remarquer avec raison que le devoir pour l’État de nourrir les prisonniers est une obligation toute moderne, qui n’a pas été acceptée sans luttes, en effet, une circulaire de l’an IX recommande « de ne procurer le pain et la soupe aux détenus qu’en cas d’indigence absolue et constatée ». Certes on n’en

  1. Une loi promulguée le 16 juin 1875 fixe enfin la matière et comble la lacune que nous avons signalée. Dorénavant les inculpés, prévenus, accusés et condamnés à un emprisonnement d’un an et un jour, et au-dessous, subiront leur peine en cellule. — Les condamnés à plus d’un an et un jour pourront, sur leur demande, être soumis au régime de l’emprisonnement individuel. — La durée des peines subies sous le régime de l’emprisonnement individuel sera, de plein droit, réduite d’un quart. — Le nouveau régime pénitentiaire sera appliqué au fur et à mesure de la transformation des prisons. Cette loi constitue un progrès très-réel ; il est regrettable qu’elle ne modifie en rien le pouvoir des directeurs de maison centrale, pouvoir exorbitant, sans contrôle sérieux, et dont bien souvent on fait un abus condamnable.