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ronique, comme on pourait le croire, et qui signifiait simplement que l’emprisonnement des malfaiteurs assure la liberté des honnêtes gens.

Les prisons d’aujourd’hui ne ressemblent pas plus aux prisons d’autrefois que la justice des temps passés ne ressemble à celle de notre temps, et, quoiqu’il reste encore bien des progrès à faire, ceux qui lentement et trop parcimonieusement ont été accomplis sont déjà considérables. La liberté individuelle, garantie par une série de lois prévoyantes, n’est plus à la merci du bon plaisir ; les lettres de cachet ont disparu dans les premiers jours de la Révolution, pas sitôt qu’on le croit cependant, car la dernière dont on ait gardé le souvenir fut lancée par le roi en 1790 contre un nommé Fontalard, qui fut enfermé à Bicêtre. Ce n’était point seulement pour causes politiques que des détentions arbitraires étaient indéfiniment prolongées ; les causes criminelles n’étaient point mieux traitées, et les prisonniers qui aspiraient au jour de la délivrance fixé par le jugement même dont ils avaient été frappés, comptaient souvent plusieurs années avant de voir s’ouvrir devant eux la porte des geôles où ils croupissaient. Pour conserver en dehors de tout droit les « gens de force » à bord des galères, on invoquait la raison d’État : la marine manquait de bras, et il fallait lui en fournir.

Colbert, malgré la grande renommée qu’il a conservée à travers les siècles, fut un de ces durs partisans d’iniquité, qui, réfractaires à l’idée de justice, maintenaient sous le bâton de la chiourme de misérables contrebandiers, de pauvres faux-sauniers dont la peine était expirée depuis longtemps. Les documents officiels abondent et prouvent que les erreurs volontaires rentraient dans un système préconçu. Un état du 4 août 1674 démontre que, sur cent trois forçats libérés, parce qu’ils sont invalides, vingt-deux d’entre eux « avaient servi