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bien souvent sa conviction fortifiée par les tentatives mêmes qu’on a faites pour l’ébranler. Le président demande à l’accusé s’il a quelque chose à ajouter, car la dernière parole qui doit être entendue est celle de l’homme que menace la loi, puis il clôt les débats[1] et les résume en s’adressant au jury ; il lui rappelle les charges de l’accusation, les moyens de défense, et, avant de le convier à se retirer dans la salle des délibérations, il l’adjure de songer à la haute mission qui lui est confiée et de la remplir avec sincérité.

Le jury se retire, et l’audience est suspendue. Il est tard, les lustres pesants qui tombent du plafond sont allumés, l’atmosphére est énervante, cela sent à la fois la poussière et la foule ; il y a moins d’animation que dans le milieu de la journée ; on comprend que la fatigue a saisi tout le monde, mais la curiosité subsiste, et l’on reste pour connaître le dénoûment encore incertain.

L’accusé est dans sa geôle, et généralement il éprouve une sorte de mouvement de détente qui se produit par de la gaieté. Il a fini de jouer son rôle, il peut ôter le masque de convention qu’il a gardé si longtemps ; c’est pour lui presque une heure d’expansion ; il cause avec ses gardes et il leur fait d’étranges confidences. « Je n’aurais jamais cru, disait Firon, qu’on pût trouver tant de choses à dire pour ma défense. » Troppmann dissimulait mal l’anxiété qui le poignait ; interrogé sur ce qu’il augurait de « son affaire », il répondit : « Rien de bon ; tous ces gens-là m’en veulent, je ne sais pourquoi, car je ne leur ai jamais rien fait. »

  1. Lorsque l’affaire est scandaleuse, elle est jugée à huis clos. Aussitôt après lecture de l’intitulé de l’acte d’accusation, l’avocat général requiert qu’on fasse retirer le public, qui ne rentre dans la salle qu’au moment où le président commence son résumé. Lorsque l’on traverse le Palais de Justice, il est facile de reconnaitre s’il y a un huis clos, car dans ce cas l’escalier qui conduit à la cour d’assises est fermé par une barrière mobile.