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des conversations confidentielles, au fond d’une âme où grouillent tous les vices, ne chercher dans un acquittement improbable qu’un succès oratoire, un accroissement de réputation et affecter tous les dehors de la conviction la plus inébranlable, ce n’est point là une tâche aisée, il faut en convenir. Aussi, qu’arrive-t-il ? Plusieurs, et parmi les plus renommés, s’échauffent à froid et le laissent voir, car leur situation même les domine. Ils ressemblent alors à ces acteurs du boulevard qui enflent leur voix, exagèrent leurs gestes, sortent de toute vérité, sans parvenir à exprimer des sentiments qu’ils ne ressentent pas et ne comprennent peut-être pas davantage. On peut s’écrier, en montrant un parricide âgé de trente ans : Quoi ! cette jeune tête tomberait sur l’échafaud ? Ah ! tout mon cœur se révolte à cette pensée ! — On a fait preuve d’une éloquence médiocre, on a menti, et l’on n’a point ému les jurés. Aussi les grands avocats, réservant leur talent pour les causes civiles et ne parlant en cour d’assises que dans certaines circonstances exceptionnelles, dédaignent ces luttes théâtrales où les ressources variées de leur parole sont vaincues par le bon sens le plus vulgaire. Il est un homme pourtant qui, dans l’auditoire, ne perd pas un mot de ce que dit l’avocat : c’est l’accusé. Son visage trahit ses émotions, il se reprend à l’espérance, et sur ces flots d’éloquence dont il est le prétexte, il voit surnager la barque du salut. Chose étrange, si dans sa plaidoirie le défenseur parle des premières années de son client, de l’époque de pureté où l’idée même du crime lui était inconnue, il est sans exemple que le coupable, fût-il trois fois meurtrier, ne laisse tomber sa tête entre ses mains et n’éclate en larmes.

Pendant tout le temps que les voix de l’accusation et de la défense se font entendre, chaque juré, immobile comme un sphinx d’Égypte, est resté impassible, sentant