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Quel que soit le crime qu’un homme ait commis, quelles que soient les charges qui l’accablent, il garde au fond de lui-même une espérance invincible ; toute parole douce, toute preuve, je ne dirai pas d’intérêt, mais seulement d’humanité, lui paraît une promesse d’indulgence. J’en ai vu un, bandit médiocre et assez retors, qui avait à répondre d’une accusation d’enlèvement de mineure dans des circonstances de fraude et de mensonge révoltantes ; il était vêtu d’un double paletot et souffrait visiblement de la chaleur ; l’avocat général, mû par un bon sentiment, lui fit signe d’ôter son pardessus. De ce moment, son attitude ne fut plus la même ; il saluait les juges avec un sourire de remercîment ; son visage rayonnait ; on peut affirmer qu’il était certain d’être acquitté ; aussi, lorsqu’il entendit porter contre lui une peine assez grave, il regarda l’avocat général avec stupeur, comme pour lui dire : Vous m’avez trompé.

Bien souvent l’accusé se met en contradiction flagrante avec les déclarations qu’il a faites dans le cabinet du juge instructeur ; on le lui fait remarquer ; il hausse les épaules et répond toujours : Je ne sais pas comment ça peut se faire. Les vieux routiers, ceux qui viennent s’asseoir sur le banc pour la troisième ou la quatrième fois, nient imperturbablement tout, l’évidence même, la preuve palpable ; chez eux, c’est un système dont rien ne les fait départir ; ils se disent : On ne sait pas ce qui peut arriver. Un des personnages les plus curieux du drame, c’est le gendarme ; il soigne son accusé, il lui dit : « Levez-vous, asseyez-vous, » en temps opportun. S’il prend du tabac, ils échangent une prise, sans cérémonie, à la bonne franquette ; mais où il se distingue surtout, c’est lorsque le président se permet une plaisanterie ; il éclate de rire alors, et l’on a parfois quelque peine à calmer son hilarité, qui pour