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ment une rumeur parmi les assistants, qui se lèvent, se pressent pour voir le visage de ce malheureux. Soyez certain qu’il se trouvera dans la salle un curieux qui, se penchant vers son voisin, lui dira : « Vilaine tête, monsieur, et qui tient mal sur les épaules. » Les jurés entrent ensuite un peu pêle-mêle et vont prendre leur place dans l’ordre même du tirage. De cet instant, ils ne peuvent plus communiquer avec personne, ni laisser échapper leur impression par une parole ou par un geste. Dans l’affaire de Philippe, on avait à constater la similitude de deux serviettes, dont l’une avait été trouvée chez la victime et l’autre saisie chez l’assassin ; l’expert les montrait aux jurés, l’un d’eux dit : « Elles sont pareilles. » Immédiatement il fut expulsé de l’audience, remplacé par un des deux jurés supplémentaires, et l’avocat de l’accusé avait le droit, dont il n’usa pas, de faire renvoyer le procès à une autre session. Les jurés, placés au-dessous des fenêtres qui éclairent l’accusé en plein visage et permettent de ne pas perdre un de ses mouvements, ont devant eux des plumes, de l’encre, du papier et des flacons de vinaigre, précaution que l’exhibition de certaines pièces à conviction ne rend pas toujours superflue. Celles-ci, scellées et munies d’étiquettes indicatives, sont déposées sur une large table au-dessous de l’estrade où la cour va venir siéger.

Un audiencier frappe vivement contre une porte et annonce : « La cour, messieurs ! » tout le monde se lève. Le président, les deux conseillers, l’avocat général, vêtus de la grande robe rouge à plis flottants, l’hermine à l’épaule, entrent lentement. Cela est d’une majesté vraiment imposante. Le président, s’adressant aux jurés, les invite à s’asseoir, et l’audience est ouverte. Son premier soin est de constater l’identité de l’accusé en lui demandant son état civil ; puis il rappelle à l’a-