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de la morte-saison ; ils sont voleurs et assassins, de même qu’on est lampiste ou serrurier ; ils parlent de leur état comme un artisan parlerait de sa profession. Ont-ils une âme ? On en peut douter à les entendre, et quand ils meurent, on est tenté de se demander si ce n’est pas simplement une machine violente et exclusivement matérielle qui cesse tout à coup de fonctionner. Un vieux juif nommé Cornu, ancien chauffeur sous les ordres d’un chef de bande célèbre, Salambier, se promenait un jour de beau temps aux Champs-Élysées. Il est rencontré par de jeunes voleurs, grands admirateurs de ses hauts faits, qui lui disent : « Eh bien, père Cornu, que faites-vous maintenant ? — Toujours la grande soulasse, mes enfants, répond-il avec bonhomie, toujours la grande soulasse. » La grande soulasse, c’est l’assassinat suivi de vol. Verdure va voir son propre frère monter sur l’échafaud où l’avait conduit une longue série de crimes. En revenant de l’exécution, il entre dans un cabaret où l’attendaient plusieurs de ses camarades, et leur fait voir en riant quatre montres et une bourse qu’il a soustraites aux curieux pendant que le bourreau accomplissait sa sinistre besogne. Il est certain qu’il y a dans les cages du Jardin des Plantes des animaux moins redoutables et plus « humains » que ces hommes-là.

Les mauvais chemins mènent aux fondrières, disent nos paysans ; les malfaiteurs le savent, et la route qu’ils suivent conduit invariablement à la prison, aux maisons centrales, aux bagnes, aux colonies pénitentiaires, à l’échafaud. Ceux qui, à force d’astuce ou par suite d’une chance particulière, ont réussi à échapper à la police, qui les guette, et à la justice, qui les réclame, sont singulièrement rares, et parmi eux il faut citer un homme qui eut son heure de célébrité, il y a vingt-cinq ans environ. Il se nommait Piednoir.