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cherchaient de toute manière à provoquer les aveux des accusés. De là ce luxe effroyable de tortures que, par une sorte d’euphémisme, qui révèle le but poursuivi, on appelait la question. Ce n’est pas le lieu de décrire ces supplices savants qui tenaient aux coutumes des diverses provinces, jalouses de les conserver et de les appliquer exclusivement : l’eau, l’estrapade, les brodequins, les chevalets, le tour, les mèches, les œufs brûlants glissés sous les aisselles, sont connus, et jadis ne révoltaient personne ; cela faisait partie de la justice et de son appareil. Les hommes les plus intègres, les meilleurs, les plus sages, ordonnaient la torture sans même penser qu’ils commettaient un crime ; il n’y avait pas que le Dandin des Plaideurs qui pouvait dire :

Bah ! cela fait toujours passer une heure ou deux !

Nul n’y échappait dans les causes criminelles, ni les innocents, ni les coupables. Suffisait-il à un accusé de faire des aveux pour être exempté de ces « préliminaires » ? Non pas ! Il y avait deux sortes de questions parfaitement distinctes, et que bien souvent l’on a confondues l’une avec l’autre. La première, la question préparatoire[1], était infligée à tout accusé, afin d’obtenir de lui les détails du crime qui lui était reproché ; la seconde, la question préalable, était indistinctement appliquée à tous les condamnés à mort, afin de les forcer à nommer leurs complices. Supplice non-seulement barbare, mais inutile, ainsi qu’on l’a si souvent constaté, car presque tous les aveux de complicité ont été murmurés au pied même de l’échafaud, de la potence ou du bûcher, sous l’influence amollissante du prêtre, loin des salles de la torture, et lorsque le souvenir de celle-ci était affaibli dans l’âme du malheureux qui allait mourir[2]. Cepen-

  1. Voir Pièces justificatives, 3.
  2. « La question est une invention merveilleuse et tout à fait sûre pour