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mandent au crime, par accident d’abord, par habitude ensuite et par perversion définitive, leurs moyens d’existence.

Il est un fait irrécusable et que l’histoire naturelle explique : les malfaiteurs, j’entends ceux qui font métier de rapines, sont absolument semblables les uns aux autres, à quelque catégorie de la société qu’ils appartiennent ; ce sont les mêmes passions, les mêmes besoins, les mêmes appétits qui les font agir. Quoi qu’en aient dit certains philanthropes, on ne vole que bien rarement pour manger ; les trois grands mobiles qui poussent l’homme hors de toute voie et le jettent à travers les plus coupables aventures sont les femmes, le jeu et la boisson. Il y a des exceptions cependant et elles ont été précisées. Rafinat, qui fut un moment compromis dans le vol des médailles de la Bibliothèque royale, caroubleur redoutable (voleur à l’aide de fausses clefs), envoyait dans son pays, à sa famille, le produit de ce qu’il appelait lui-même ses expéditions. Pour un de cette espèce, il s’en trouve dix mille qui n’ont d’autre but que de satisfaire leurs goûts brutaux.

Un voleur travaillant dans une foule enlève un porte-monnaie garni de cinquante francs ; il va au plus vite dans un estaminet mal famé, y boit de l’eau-de-vie, y joue, y ramasse une femme de mauvaise vie et dépense avec elle jusqu’à son dernier centime ; un membre d’un cercle qu’il est inutile de désigner, triche au jeu et gagne dix mille francs ; il va souper à la Maison Dorée avec une femme très à la mode dont le père est cocher de fiacre et le frère forçat. Quelle différence entre ces deux faits qui se reproduisent journellement ? Aucune ; quelle différence entre ces deux hommes ? Aucune ; la moralité est la même, les passions sont pareilles ; sauf le milieu, tout est semblable. Et cependant, si le second de ces hommes est appelé par hasard à faire partie