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Le vol a mille formes qui, pour n’être pas excessives, n’en sont pas moins coupables. Le marchand qui trompe sur la qualité ou la quantité de denrées vendues, le négociant qui augmente outre mesure ses prix selon des occurrences exceptionnelles, l’homme qui trouve un objet et se l’approprie, le joueur qui sait avec adresse amener la chance de son côté, le tapissier qui met du varech au lieu de crin dans ses fauteuils, sont autant de voleurs. L’employé qui emporte chez lui et destine à son usage personnel le papier que son administration lui confie pour le service de l’État, est un voleur. Le chasseur qui cache une pièce de gibier en passant devant les agents de l’octroi, la femme qui dissimule des dentelles au douanier, commettent un vol, tout aussi bien que le gamin qui enlève une cravate à un étalage ; seulement c’est l’État qu’on vole, et c’est un être de raison avec lequel on ne se gêne guère. Cependant ces mêmes personnes dont la délicatesse fait subitement défaut en présence du trésor public pousseraient de beaux cris si leur rue n’était pas éclairée, gardée, nettoyée, pavée, et si, sous prétexte que l’octroi et la douane ne rapportent plus assez, on supprimait les sergents de ville qui les protègent contre les voleurs en blouse dont ils ont une crainte salutaire.

Si les gens auxquels je viens de faire allusion étaient surpris au moment où ils commettent le délit que je leur reproche, la moitié de la population parisienne appartiendrait à la catégorie des repris de justice ; mais les administrations sont bonnes personnes et bien souvent elles détournent les yeux avec mansuétude pour ne pas voir, n’être pas obligées de sévir et pour éviter le scandale d’une répression qui, trop souvent, fait plus de mal que de bien sur l’esprit public. Il n’en est pas de même lorsque la propriété d’autrui est menacée, et l’on pourchasse sans trêve ces enfants perdus qui de-