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l’organisation des sommiers judiciaires, organisation si complète, si régulièrement alimentée, si bien renseignée, qu’elle est absolument unique au monde, que les polices des autres pays y ont souvent recours, et jusqu’à présent n’ont pas su l’imiter. Qu’on se figure trois ou quatre grandes salles ternes et poudreuses, si obscures dans certains recoins, que le gaz y est allumé à midi ; çà et là quelque chat qui dort en attendant que la nuit lui donne droit de chasse ; partout des tables en bois noir sur lesquelles sont penchés des commis qui écrivent ; puis, du plafond au plancher, des corridors formés par d’énormes casiers remplis de boites sans couvercles où sont entassées des fiches de papier. C’est là que sont les grandes archives, les titres de noblesse de la criminalité. Tout délit commis dans l’empire français, à Paris, à Mahé, à Nouméa, à Laghouat, trouve là sa trace et sa preuve.

Dès qu’un individu est traduit devant les tribunaux, son nom, son âge, son lieu de naissance, son signalement très-détaillé, sont portés sur un bulletin ; chaque condamnation subie par lui est inscrite avec la date, les motifs du jugement et la peine infligée. Si l’individu a, pour dérouter les recherches, pris un pseudonyme, un bulletin pareil est fait à chacun des faux noms derrière lesquels il s’est caché : complication fort encombrante, mais qui seule amène de sérieuses constatations d’identité ; quelques criminels ont subi des condamnations sous quinze ou vingt noms différents ; Lacenaire, je l’ai dit plus haut, eut jusqu’à trente-deux pseudonymes.

Ce service fonctionne avec une activité fébrile, car si d’une part les documents lui arrivent en foule, de l’autre les demandes de recherches sont incessantes, et douze commis suffisent à peine aux besognes journalières. Les casiers renferment actuellement 4 610 boites